Bernard Lory (INALCO, Institut National des Langues et Civilisations Orientales, Paris)
L’affirmation de l’identité nationale des Bošnjaks (initialement désignés comme Musulmans) dans la deuxième moitié du 20e siècle est apparue comme un élément troublant pour les analystes politiques occidentaux : la priorité donnée à l’élément identitaire religieux (l’Islam) sur l’élément identitaire linguistique (la langue unique désignée comme serbe / croate / bosniaque / monténégrin) entrait en contradiction avec certaines idées reçues sur ce qui fait le socle d’une identité nationale. Pour éclairer se paradoxe, il est intéressant de comparer le cas des Bošnjaks, qui ont élaboré un discours identitaire national, à celui des Pomaks (musulmans locuteurs du bulgare), qui ne se sont pas engagés dans ce processus. Si un bon nombre d’analogies peuvent être mises en avant sur le plan historique (importance de l’héritage ottoman du système des millets) ou géopolitique (cohabitation inévitable aves des Autres proches), la comparaison fait ressortir bien d’autres éléments qui nous amènent à mettre en doute toute vision essentialiste : les identités nationales dans la zone balkanique ne sont pas des données naturelles, mais des constructions sociales qui s’inscrivent dans l’évolution historique.